Le fil, un film de Daniel Auteuil

25 juillet 2024

Adapté d’une des histoires relatées dans le livre de Maître , de Jean-Yves Moyart, le film sort au cinéma le 11 septembre 2024.

Synopsis du film : Depuis qu’il a fait innocenter un meurtrier récidiviste, Maître Jean Monier (Daniel Auteuil) ne prend plus de dossiers criminels. La rencontre avec Nicolas Milik (Grégory Gadebois), père de famille accusé du meurtre de sa femme, le touche et fait vaciller ses certitudes. Convaincu de l’innocence de son client, il est prêt à tout pour lui faire gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation.

Daniel Auteil raconte : « J’ai tout de suite été frappé par la puissance des histoires de vie et de justice qu’il y racontait, mais aussi par sa manière d’exprimer la solitude de l’avocat, la dernière personne qui se tient aux côtés de l’accusé avec qui il va devoir faire face à tous les autres. Ce qui constitue toute la beauté de ce métier : rendre compte de l’indicible, au-delà du décorum. Au fil de ma lecture, j’ai été fasciné par cette réflexion autour de la notion de vérité qui diffère selon les uns et les autres. La vérité qui devient une intime conviction, quelque chose d’impalpable. La découverte de ce blog m’a conduit au cœur de l’humanité, dans toute sa force et sa fragilité mêlées. J’ai donc eu envie de faire un film pour raconter cette quête de vérité.

Bande annonce du film : voir la bande annonce ici

L’avis de l’USM : Natacha Aubeneau, secrétaire nationale de l’USM, a vu le film lors d’une projection privée.

Le film est fidèle au récit de Me Mô. Il évoque avec justesse les doutes et les certitudes mêlés d’un avocat épris de justice, empêtré dans ses échecs passés – ou plutôt son sentiment d’avoir échoué – mais aussi ses convictions profondes, sa foi en l’humanité et en son métier.

Ce film nous plonge au cœur d’une enquête criminelle, de l’arrestation du suspect au procès d’assises, très mal connus en France où les représentations américaines sont souvent plus populaires (les juges en France n’ont ni perruque ni marteau !). Il illustre et donne toute sa profondeur au texte de l’article 353 du code de procédure pénale, systématiquement lu par le président d’une cour d’assises aux jurés avant qu’ils ne se retirent pour délibérer :

 » (…). La loi ne fait [aux juges et jurés composant la cour d’assises] que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs devoirs :  » Avez-vous une intime conviction ? « . « 

Car ce film raconte à quel point il est difficile de juger un homme. C’est une magnifique source de réflexion sur le sens de la vérité : la vérité réelle, celle des faits, et la vérité judiciaire, celle qui forge l’intime conviction du jury sur la base des preuves apportées au procès. Comme l’avocat brillamment interprété par Daniel Auteuil, mais aussi comme le vivent au quotidien les magistrats, le spectateur cherche à comprendre ce qui a pu se passer le soir du meurtre, à décrypter la personnalité complexe des différents acteurs de cette affaire criminelle, leurs relations interpersonnelles qui influencent, voire parasitent, la manifestation de la vérité.

C’est un très bel hommage aux avocats, dont le rôle de défenseur est essentiel au bon déroulement d’un procès, une garantie fondamentale de l’Etat de droit et d’une société démocratique. On y voit un avocat habité par son dossier, en proie au doute, au stress, qui oscille entre combativité et abattement, dévoré par la passion de son métier qui envahit sa vie privée. On vit avec lui ses interrogations sur les faits, sur son client, sur sa capacité à le défendre, mais aussi le stress, partagé avec son client, lié à la longueur de la procédure, aux rebondissements du procès, à l’angoisse de l’attente de la décision.

Pour nous, magistrats, ce film fait aussi écho à des questionnements plus existentiels : il y est question de métier-passion, de l’absence de frontière entre vie professionnelle et vie privée, de vocation, de foi en la justice, du sens de nos métiers…

Allez voir ce très beau film qui sort en salle le 11 septembre 2024.

Et lisez ou relisez le livre de Maître Mô.

En 2021, après la mort de Me Mô, l’USM avait demandé à Eric Morain, grand ami et confrère de Jean-Yves Moyart, d’écrire quelques lignes pour notre revue Le nouveau pouvoir judiciaire.

Il nous a fait le privilège d’accepter :

Jean-Yves Moyart, alias Maître Mô, avocat au barreau de Lille, particulièrement suivi sur Twitter avec ses 71 854 abonnés, est décédé le 20 février 2021, laissant ses bons mots à la postérité. En septembre 2021, son livre paru en 2011, « Au guet-apens : chroniques de la justice pénale ordinaire », a été réédité et enrichi de nouvelles histoires.

Eric Morain, avocat au barreau de Paris et ami de Maître Mô, a œuvré pour cette réédition. Il nous livre ces quelques mots émouvants, comme pour nous rappeler que la Justice, avant d’être une affaire de chiffres, est avant tout une aventure humaine.

Ce sont justes des histoires. De simples histoires comme on en voit tous les jours dans nos cours et tribunaux.

Mais de la même manière qu’un journaliste ou un photographe choisit un angle pour raconter une histoire, ici c’est l’angle de l’avocat. Ce que les magistrats ne voient pas, n’imaginent parfois même pas : ce que l’avocat ressent, perçoit, éprouve, sait, discerne, endure et souffre même quand il défend.

Avocat incontournable autant dans sa ville natale, Lille, que sur les réseaux sociaux où il a été un pionnier de l’accessibilité du droit bien plus que toutes les lois ne pourraient le faire, Maître Mô, alias Jean-Yves Moyart – à moins que ce ne soit l’inverse – vous conte et vous raconte avec humanité, évidemment puisque c’est dans le serment d’avocat, mais aussi avec humour et tendresse – deux autres mots qui mériteraient aussi d’y figurer – les histoires de ces justiciables que des magistrats ont vu passer, ont eu à juger et que lui a eu à défendre et mieux : à aimer véritablement.

Maître Mô aimait la justice, il aimait ses clients et il aimait aussi les juges. C’est sans doute cela aussi une justice réparée.

Télécharger ici cet article d’Eric Morain publié dans le NPJ 437.

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