Déconstruire l’idée d’un « laxisme » de la justice
Les membres du bureau national de l’USM sont intervenus ces jours derniers dans de nombreux médias pour faire œuvre de pédagogie vis-à-vis des questionnements posés par le meurtre d’une étudiante, Philippine, par un suspect de 22 ans, condamné par le passé pour viol et sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Ludovic FRIAT, président de l’USM, et Aurélien MARTINI, secrétaire général adjoint, qui ne peuvent évoquer cette affaire directement, ont essayé de rappeler les principes gouvernant la Justice, notamment le fonctionnement de la chaîne pénale, les mécanismes de l’exécution des peines, les décisions de prolongation des rétentions administratives, afin de faire échec au discours pointant du doigt le laxisme judiciaire.
En effet, les statistiques disponibles montrent qu’il n’y a jamais eu autant de détenus dans les prisons françaises. Entre 2021 et 2023, le quantum des peines fermes prononcées est passé de 8,2 mois à 10,2 mois. Ces statistiques confirment les propos tenus par le nouveau garde des Sceaux, Didier Migaud, répondant au ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau, qui avait estimé qu’il existait en France un droit à « l’inexécution des peines » (ici). Dans le délai de 5 ans, en 2023, 91 % des peines d’emprisonnement ferme (après être devenues exécutoires selon la nature du jugement) sont mises à exécution.
La réalité judiciaire est une surpopulation carcérale accrue. Les magistrats appliquent la loi, les mécanismes de réduction de peine, comme les aménagements de peine (automatiques dans certains cas) sont issus des lois votées dans les années précédentes. Pour faire face à la surpopulation carcérale, les décisions sont politiques : le parlement décide de construire des prisons, ou décide de ne pas le faire et d’envisager un mécanisme type « numerus clausus ». Là encore pas de « laxisme » des magistrats français, la France incarcère dans la moyenne européenne (117 détenus pour 100.000 habitants, médiane 104), en France c’est 107 détenus pour 100.000 habitants, mais la France a le 4ème plus fort taux de surpopulation carcérale. Le manque de moyens des services de probation doit également être questionné pour proposer des alternatives efficaces à l’incarcération, tout comme un suivi en détention de nature à prévenir la récidive.
Ils ont pu également détailler la procédure en matière de droits des étrangers avec une compétence judiciaire limitée et les difficultés en lien avec les questions diplomatiques, notamment pour l’obtention du laisser passer diplomatique. Le juge des libertés et de la détention est soumis à des critères très restrictifs qui s’imposent à lui pour décider ou non de renouveler une rétention administrative (s’agissant du suspect dans l’affaire en cause, le JLD avait déjà prolongé 3 fois la rétention et a refusé la 4e prolongation exceptionnelle en l’absence de réunion des critères légaux de l’article L742-5 CESEDA), au risque sinon d’une détention abusive.
Vous trouverez ici quelques liens relatifs à ces interventions :
Linkedin_ludovicfriat_Inexécution des peines, de quoi parle-t-on?
https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/grille-des-emissions.html (émission du 25 septembre – créneau 7h10)
RTL-meurtre-de-philippine-3-questions-a-ludovic-friat