Mineurs délinquants : la proposition de loi Attal

14 février 2025

Les débats parlementaires relatifs à la proposition de loi (PPL) de Gabriel Attal visant à restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents ont commencé mercredi soir et ont abouti à un vote jeudi, lequel a réintroduit la comparution immédiate des mineurs ainsi que l’inversion du principe de l’atténuation de peine, qui devient une exception pour les plus de 16 ans.

Nous avons été entendus à l’Assemblée nationale le 19 novembre dernier, et fait part de nos réserves.

La commission des lois du Sénat, en l’absence d’une partie de ses membres, avait profondément modifié le texte initial de la PPL Attal, donnant plus de souplesse aux magistrats dans le recours à la procédure « d’audience unique », qui déroge à la césure, écartant ainsi la mise en œuvre d’une comparution immédiate dérogatoire. Elle avait également écarté les dispositions visant à restreindre le champ de la minoration de peine (« excuse de minorité »). Les commentateurs politiques s’attendent cependant à ce que la loi soit « durcie » par la majorité sénatoriale à l’occasion de la navette.

Le garde des Sceaux a fait des annonces ce matin, 14 février 2025, et a notamment proposé :

  • une mesure de couvre-feu judiciaire pour les mineurs délinquants,
  • une sanction lorsqu’une mesure éducative n’est pas respectée,
  • le renforcement de l’usage du bracelet électronique voire son extension aux moins de 16 ans,
  • la création d’une injonction d’assistance éducative pour les parents
  • des assesseurs « jurés populaires » dans les juridictions répressives pour mineurs.

Si les magistrats ne font pas la loi, ils l’appliquent et parfois, l’interprètent. Leur connaissance des sujets judiciaires, qui peut déboucher sur des évolutions jurisprudentielles ou des demandes d’évolution législative, méritent d’être prise en compte. L’USM, syndicat majoritaire et apolitique, entend donner un avis technique – et non politique – sur les mesures proposées rappelant que la très grande majorité des professionnels de l’enfance en danger et délinquante n’ont pas émis le souhait d’une nouvelle réforme, la dernière – le code de justice pénale des mineurs (CJPM) – remontant à 3 ans (septembre 2021).

Les outils juridiques adéquats, issus du CJPM, existent et répondent à la plupart des situations dénoncées, mais ils souffrent avant tout du manque de personnels judiciaires, éducatifs et pénitentiaires ainsi que de moyens adaptés pour les mettre efficacement en œuvre et produire, tout à la fois, une justice de qualité dans un temps raisonnable, tout en respectant les nécessaires spécificités de la justice des mineurs.

A l’analyse, cette proposition de réforme fait opportunément l’impasse sur les conséquences des carences des décideurs et pouvoirs publics en termes de moyens de la justice des mineurs et se garde de s’attaquer aux maux de l’assistance éducative, pour laquelle l’Etat et les collectivités se sont affranchis de leurs obligations de diligence et de moyens. Ainsi, il faut souvent près ou plus d’un an pour mettre en œuvre une mesure d’assistance éducative prononcée par un juge des enfants, la situation du mineur en danger ne pouvant que s’aggraver pendant ce délai, sachant qu’un mineur en danger est, plus que tout autre, susceptible d’être victime de faits parfois graves, ou de devenir à son tour dangereux.

Intervenir, prendre en charge et juger plus vite au pénal, pour quoi faire ? si la phase post sentencielle ne bénéficie pas d’une meilleure prise en charge que l’actuelle phase de mise à l’épreuve éducative.

L’USM est présente dans les médias pour faire valoir encore et toujours sa position : notre justice des mineurs à besoins de stabilité juridique et de moyens, de lieux d’accueil, d’éducateurs, d’agents pénitentiaires, de magistrats et de greffiers pour remplir correctement sa mission.

Ces professionnels impliqués ont besoin du soutien de la représentation nationale et de nos concitoyens pour choisir et individualiser la meilleure réponse pénale mais également mettre en œuvre une assistance éducative efficace, rapide et concrète pour une meilleure prévention du basculement vers la délinquance.

Toute réforme, qu’elle soit considérée comme « sécuritaire » ou « laxiste », « exigée par l’opinion publique » ou « découlant d’un bon sens », ne peut pas faire l’économie de ces réalités. Notre jeunesse en danger, que celui-ci soit subi par les mineurs ou retourné sous forme de violence contre la société dont ils sont issus, en a besoin.

Vous retrouverez nos principaux passages ci-dessous :

Apolline de Malherbe RMC 6h45

https://rmc.bfmtv.com/replay-emissions/apolline-matin/3-questions-pour-comprendre-vers-un-durcissement-de-la-justice-des-mineurs-12-02_VN-202502120160.html

France info TV 8h30

https://www.francetvinfo.fr/societe/justice/justice-face-a-la-hausse-des-mineurs-delinquants-les-outils-existent-et-il-faut-pouvoir-avoir-les-moyens-de-les-mettre-en-uvre-utilement-explique-ludovic-friat_7069967.html

BFM 12h50

https://www.bfmtv.com/police-justice/proposition-de-loi-sur-la-justice-des-mineurs-aujourd-hui-nous-n-avons-pas-les-moyens-estime-un-magistrat_VN-202502120464.html

France info TV 14h50

https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/franceinfo/le-14h-16h/jt-le-14h-16h-mercredi-12-fevrier-2025_7070499.html (à partir de 1h06min sur la vidéo)

Nous avons également été interrogés et cités par la presse écrite, notamment ici.

Relisez également notre dernier article sur ce sujet : Réformer la justice des mineurs : stop ou encore ? – Union Syndicale des Magistrats 

Et retrouverez nos précédentes communications :