L’USM, représentée par Ludovic Friat et Alexandra Vaillant, s’est rendue ce 5 mars à l’invitation du garde des Sceaux, en présence des organisations syndicales de l’administration pénitentiaire, pour échanger sur les évolutions législatives actuellement en débat au parlement dans le cadre de la proposition de loi sur le « crime organisé » à laquelle sont venus s’ajouter des amendements gouvernementaux.
Le ministre a principalement abordé le régime renforcé de détention, dans des établissements de « haute sécurité », des profils les plus dangereux. Ce profilage se ferait de façon pluridisciplinaire (police, justice et pénitentiaire) et serait formalisé par une décision ministérielle. Ce nouveau régime de détention aurait pour conséquence :
- Un effacement de la distinction prévenu/condamné ;
- Un recours plus systématique à la visio, voire à des déplacements judiciaires pour certains actes d’instruction.
L’USM tout en remerciant le ministre pour son invitation même tardive, le sujet n’étant pas que pénitentiaire, a rappelé solliciter depuis plusieurs mois des mesures et outils juridiques permettant de lutter efficacement contre le crime organisé, qui constitue un vrai danger pour nos démocraties.
L’USM a cependant rappelé ne pas avoir été au soutien d’une systématisation de la visioconférence, imposée principalement aux cabinets d’instruction et empiétant sur la libre conduite de l’enquête, tout en constatant que cette mesure semblait emporter un assez vaste consensus législatif, sous réserve de sa légalité (avis du Conseil d’Etat) et de sa constitutionnalité (avis du Conseil constitutionnel).
L’USM soutient la protection et la sécurité de tous les personnels du ministère, dont les personnels pénitentiaires, mais a insisté sur les spécificités judiciaires, l’interrogatoire constituant le principal outil du magistrat instructeur, et l’absolue nécessité de laisser aux collègues la possibilité effective de déroger à cette architecture nouvelle s’ils l’estiment nécessaire et utile pour la recherche de la vérité.
L’USM a également insisté sur le préalable que constituait la mise à disposition de l’ensemble des acteurs judiciaires et pénitentiaires de moyens techniques pour que cette réforme ne se fasse pas au seul détriment du versant judiciaire et des droits de la défense :
- Des systèmes de visio de qualité et en nombre suffisant, assurant la qualité et la fluidité des actes ;
- Un encadrement adapté, par les agents pénitentiaires, des personnes entendues en visio ;
- Une procédure spécifique, notamment en termes de simplification de la signature des PV ;
- Une charge de travail par magistrat instructeur leur permettant, en cas de besoin justifié, de se déplacer dans les établissements pénitentiaires -activité très chronophage- sans devoir faire le choix de sacrifier les dossiers du « tout venant » ;
- La contrepartie de l’assurance d’une absence « d’impossibilité de faire » et de prêt de main-forte par les forces de sécurité intérieure lorsqu’une extraction est jugée nécessaire par le magistrat (dont les confrontations).
L’USM a en outre indiqué ne pas être opposée à une réflexion visant à donner au magistrat instructeur ou à la chambre de l’instruction davantage de latitude pour imposer à la personne détenue une visioconférence plutôt qu’une comparution, selon l’intérêt de l’acte.
Le changement de paradigme envisagé par le législateur ne doit en outre pas faire l’économie d’une vraie réflexion sur la place et les moyens donnés à l’information judiciaire dans notre architecture judiciaire pour que le champ judiciaire, comme le champ pénitentiaire, s’y retrouvent en termes de fonctionnement et de manifestation de la vérité.
N’oublions pas qu’au final c’est la mise à disposition des juridictions de jugement de dossiers complets et équilibrés dont il est question.
Enfin, l’USM a rappelé que l’acte de juger devait par principe se tenir dans une enceinte judiciaire et non pénitentiaire.