Le bureau de l’USM a été entendu le 10 décembre 2024 par la commission de contrôle de la Cour des comptes sur l’immobilier judiciaire (hors bâtiments pénitentiaires).
Nous avons souligné les décennies de retard d’investissements immobiliers au sein de notre ministère et les innombrables sites à entretenir, le sujet de l’immobilier dans les juridictions étant resté longtemps insuffisamment pris en compte par l’Etat, bien qu’il représente une part conséquente de son patrimoine immobilier.
Actuellement, les juridictions sont pour la plupart au maximum de leur capacité au titre de l’occupation de leurs locaux, problématique à laquelle s’ajoutent celles de la vétusté et de l’obsolescence de certaines infrastructures, de sorte qu’il paraît difficile d’accueillir de manière qualitative les personnels supplémentaires annoncés et tant attendus.
Si ces dernières années, le ministère de la justice a bénéficié de hausses de son budget, celles-ci n’ont pas permis un réajustement à la hauteur des années de pénurie. Un effort pérenne sur le long terme est nécessaire. Les coupes budgétaires intervenues dès l’exercice 2024, puis celles envisagées sur le budget 2025 avec ou sans amendement gouvernemental, viennent considérablement ralentir cette dynamique : les projets en cours étant étalés dans le temps et ceux à l’état de projet mis en suspens.
Nous avons également pu exposer nos problématiques propres. Nous avons ainsi souligné que le référentiel national élaboré dans le cadre de l’inter ministérialité sur les sujets de surface et de configuration de bureaux (et qui s’impose à notre ministère), a été élaboré sans aucune consultation du terrain et tend à une harmonisation avec les autres services de l’Etat sans aucune prise en compte des spécificités des fonctions judiciaires : les magistrats procèdent souvent à des auditions, audiences, interrogatoires, confrontations…dans leurs bureaux, et l’état des outils informatiques ne permettent pas facilement de se déplacer avec les dossiers lorsqu’il s’agit de tenir plusieurs audiences d’assistance éducative chaque jour par exemple. Ils ont à connaître des sujets imposant une stricte confidentialité.
Par ailleurs, des temps d’échange entre collègues, avec le greffe, les auxiliaires de justice et les partenaires institutionnels en temps suffisants doivent être préservés ; en effet si l’on veut valoriser un travail d’équipe (magistrats, attachés, greffiers), il est nécessaire pour chacun de travailler régulièrement et suffisamment longtemps ensemble au sein d’une juridiction. Or, le risque est réel de voir diminuer le temps de présence des magistrats en l’absence de bureau individuel, ce qui peut poser des difficultés en termes de cohésion d’équipe.
Le partage des bureaux doit être réfléchi, il convient de garantir la sérénité nécessaire pour permettre à la fois aux magistrats d’être plus performants via l’usage d’outils tels que la dictée vocale et d’échanger ou de recevoir leurs interlocuteurs institutionnels. Pour l’USM, un bureau partagé ne saurait concerner plus de deux personnes, voire si le bureau est suffisamment vaste, plus de trois collègues excluant les fonctions de cabinet, sauf à dégrader un peu plus les conditions de travail et créer du malaise. L’USM exclut ainsi les « flex-offices », bureaux de passage ou le premier arrivé est le premier servi et où chacun dispose de ses affaires personnelles dans une boite ou un vestiaire.
Nous avons rappelé que le travail à distance n’est pas à lui seul une solution. En effet, nombre de magistrats et personnels judiciaires ne disposent pas à leur domicile d’espace de travail adapté ; par ailleurs, là aussi les outils informatiques et numériques actuels sont peu performants pour le permettre réellement.
Une des difficultés consiste pour notre ministère à imaginer la justice de l’an 2050 avec la révolution de l’Intelligence Artificielle, la construction de l’équipe autour du magistrat, les nombreuses réformes judiciaires à venir, le développement de l’amiable, la dématérialisation de la procédure, l’amélioration des logiciels métiers, la gestation du portail justice (le projet Portalis, lequel oscille depuis des années et selon les ministres entre un outil métier et un interface avec le public), la place de la visioconférence etc… qui vont nécessairement influer sur la structure des locaux judiciaires.
Derrière les choix politiques qui seront faits, se profilent la perception du métier des magistrats de demain et la place consacrée à l’autorité judiciaire parmi les services publics partageant la même évolution s’agissant de la gestion de l’immobilier. Ce sujet n’est nullement anodin !
L’USM continuera son combat pour préserver nos conditions de travail.
Vous pourrez lire notre note sur notre site internet (à lire ici)
Relisez notre article paru dans le NPJ de septembre 2024 :