L’USM a participé au 66ème congrès de l’Union internationale des magistrats (UIM), qui se tenait au Cap du 17 au 22 octobre. Le but de l’UIM, organisation internationale professionnelle apolitique, est la sauvegarde de l’indépendance du pouvoir judiciaire, condition essentielle de la fonction juridictionnelle et pilier de l’Etat de droit. Elle regroupe des associations nationales de magistrats des cinq continents (au nombre de 92) luttant activement, soit pour obtenir l’indépendance de la justice, soit pour la renforcer. L’UIM dispose par ailleurs de quatre commissions permanentes d’étude (statuts, droit et procédure civile, droit et procédure pénale, droit public et social). Sur la base de rapports rédigés par ses membres, les commissions étudient des questions d’intérêt commun pour la justice dans tous les pays.
Le président de l’association nationale des magistrats sud-africains, JOASA, a appelé dans son propos introductif à l’unité des magistrats. Il a, par ailleurs, indiqué que l’actuelle constitution du pays ne faisait pas référence au pouvoir judiciaire, JOASA se battant pour obtenir une modification constitutionnelle. Il a, ensuite, rappelé que des magistrats étaient actuellement emprisonnés à travers le monde pour avoir seulement accompli leur travail, d’où l’absolue nécessité de continuer à se battre pour l’indépendance de la justice.
Le respect de l’Etat de droit, pilier de nos démocraties, fut par ailleurs le fil conducteur des différentes interventions de nos hôtes. Duro Sessa, juge à la Cour suprême de Croatie et actuel président de l’UIM, a conclu la première journée du congrès en rappelant que l’Etat de droit était selon lui garant et responsable de la liberté des citoyens, bien plus qu’aucun autre principe. Il a également rendu hommage à notre collègue turc Murat Arslan, toujours emprisonné depuis plus de 8 ans (voir dernier appel de l’USM à sa libération ici).
En session plénière, ont été évoquées les attaques récurrentes contre l’indépendance de la justice, et notamment :
en Arménie via la problématique de nominations politiques et d’interventions du pouvoir exécutif dans l’élection et la nomination des magistrats au Conseil de Justice ;
en Bulgarie à la suite de suspicions de fraude lors des élections électroniques au Conseil de Justice ;
au Guatemala où des juges et procureurs sont emprisonnés du fait de leurs décisions juridictionnelles ou doivent fuir leur pays ;
en Argentine où les magistrats font face quotidiennement à des intimidations et menaces d’emprisonnement à raison de leurs décisions juridictionnelles (lire ici la déclaration sur l’Argentine).
Une attention particulière a été portée à la situation du Mexique. Une réforme constitutionnelle prévoit désormais très largement l’élection de nombreux magistrats. L’UIM craint un effet boule de neige dans la région sud-américaine, le président colombien réfléchissant à son tour à une réforme similaire (retrouvez ici la résolution de l’UIM du 27 août sur la situation des magistrats mexicains).
La rapporteure spéciale des Nations Unies sur l’indépendance des magistrats et des avocats a évoqué le rôle central des experts dans la défense de l’institution judiciaire (comptes-rendus directs au Conseil et à l’Assemblée de l’ONU, visite des pays où sont dénoncées des violations récurrentes des droits de l’homme …) avant de conclure que les magistrats ne devraient jamais avoir à devenir des héros.
Comme lors du congrès de l’association européenne des magistrats qui s’est tenu en avril à Varsovie (relire ici notre compte-rendu), nous avons pu visionner le film dédié à la manifestation des 1 000 robes, qui a eu lieu le 11 janvier 2020. La représentante de l’association polonaise Lustitia a profité de cette occasion pour faire un point sur la situation de son pays et apporter une lueur d’espoir. Le changement politique à la suite des élections de 2023 a ainsi permis d’entamer le processus de restauration de l’Etat de droit et d’assurer l’indépendance des magistrats. L’exemple polonais doit néanmoins nous alerter sur les fragilités potentielles de nos institutions et nous rappeler de ne jamais baisser la garde face aux attaques contre l’indépendance de la justice. En hommage à la marche des 1 000 robes, l’UIM maintient sa proposition faite à l’ONU de faire du 11 janvier une journée pour l’indépendance de la Justice dans le monde, proposition soutenue par l’USM (retrouvez notre article en soutien à cette initiative ici).
S’agissant des rémunérations et pensions, de trop nombreux collègues font toujours ou nouvellement face à des difficultés extrêmes, alors même que le statut universel du juge rappelle dans son article 13 que le juge doit recevoir une rémunération suffisante pour assurer son indépendance économique. Il en est ainsi par exemple en Afrique du Sud (résolution ici) ou encore en Suède (lire la résolution ici).
Tous les travaux des commissions d’études sont disponibles sur le site de l’UIM :
- 1ère commission sur les effets de l’intelligence artificielle sur le pouvoir judiciaire ici ;
- 2ème commission sur les plaidoiries écrites – quand passent-elles d’une aide à un obstacle ? ici ;
- 3ème commission sur l’évolution rapide de la fabrication de drogues illicites et les défis que ce processus imparable pose à la réussite des poursuites judiciaires ici ;
- 4ème commission sur l’impact de la révolution numérique sur le marché du travail – économie de plateformes ou petits boulots et intelligence artificielle ici.
L’UIM a enfin adopté plusieurs résolutions sur la situation globale de la justice en Arménie, en Bulgarie, en Suède, au Pérou et en Tunisie, toutes accessibles sur son site internet, nouvellement rénové https://www.iaj-uim.org/iuw/fr/.