L’après-midi de ce vendredi 11 octobre 2024 est ouverte à de nombreux invités venus écouter le discours de Ludovic Friat, président de l’USM, suivi du discours de Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la Justice.
Ludovic Friat accueille monsieur le ministre : « c’est un honneur mais aussi une vraie exigence dans le dialogue que nous souhaitons avoir avec notre ministère que d’échanger avec le garde des Sceaux, ministre de la Justice. La présence du garde des Sceaux au congrès annuel de l’USM est aussi une vieille tradition, un moment fort de notre vie judiciaire et syndicale. »
Ludovic Friat brosse rapidement l’histoire de l’USM, énumère les présidents qui se sont succédé à sa tête depuis 1974, rappelle les valeurs fortes défendues sans relâche au fil du temps par l’USM, syndicat apolitique et largement majoritaire – indépendance de la justice, défense des intérêts matériels et moraux des magistrats, défense d’une justice de qualité au service des justiciables – déplorant que « parfois, notre combat ressemble à celui de Sisyphe poussant sa pierre mais, comme l’écrivait Léon Tolstoï : « Les deux guerriers les plus puissants sont la patience et le temps ». »
Voici les grandes lignes du discours de Ludovic Friat :
Réponse de Didier Migaud, garde des Sceaux, ministre de la justice :
Didier Migaud a tenu un discours rassurant. Il s’est dit particulièrement attentif au respect du statut, des droits et des libertés des magistrats et des moyens accordés pour un meilleur fonctionnement de notre justice. Il a dit son attachement au droit syndical, expressément consacré par l’article 10-1 de l’ordonnance statutaire. Le CSM a rappelé que le droit syndical et la liberté d’expression, notamment syndicale, sont reconnus aux magistrats.
Il a dit aussi son attachement au dialogue social, nous a assurés qu’il serait toujours attentif aux propositions pour améliorer le fonctionnement de notre justice et qu’il savait pouvoir compter sur la démarche constructive de l’USM.
Le garde des Sceaux a donné le cap : « L’indépendance de la justice est un des piliers de l’état de droit découlant de la séparation des pouvoirs garantie par la Constitution et la CEDH. Les magistrats doivent pouvoir rendre la justice loin de toute pression. Le CSM ne doit porter aucune appréciation disciplinaire sur l’acte juridictionnel qui ne peut être contesté que par les voies de recours juridictionnelles. Je ne cesserai de défendre l’indépendance de la justice, garantie de l’état de droit. »
Il a néanmoins rappelé qu’il arrive dans un contexte budgétaire très contraint, tout en nous assurant de sa détermination à concrétiser les engagements pris car la justice a trop fait l’objet de sous-investissement et d’abandon par le passé, parce qu’elle manque cruellement des moyens nécessaires à son bon fonctionnement, admettant que, malgré les efforts consentis, la justice n’est pas réparée et qu’il faudra longtemps avant qu’elle le soit. Didier Migaud a affirmé qu’on peut maitriser nos finances publiques sans sacrifier le régalien, que si la justice n’est pas qu’une question de moyens, c’est aussi une question de moyens et qu’elle ne doit pas être sacrifiée sur l’autel des finances publiques. Il s’est dit conscient que les juridictions ont de fortes attentes, de forts besoins. Il nous a affirmé être pleinement mobilisé pour concrétiser les annonces en termes de recrutements de magistrats mais aussi de personnels de justice, ce qui ne doit pas nous empêcher de réfléchir à une amélioration des procédures, des fonctionnements, nous incitant à lui faire part de nos propositions sur ce point.
Il a insisté sur la nécessaire avancée des réflexions sur les conditions de travail et sur le temps de travail des magistrats. Il a évoqué la charge de travail, dénoncée dans la tribune des 3000, le manque de moyens mis en lumière dans le cadre des EGJ, et les travaux sur la charge de travail des magistrats comme des supports nécessaires des réflexions à mener. Revenant sur les recours contentieux initiés par l’USM, il a répondu avoir à cœur qu’un dialogue plus nourri en amont puisse dégager un consensus et éviter ce genre de recours contentieux.
Différents thèmes ont été abordés par le ministre :
Sur la protection des magistrats : Numéro vert, mission SQVT, recrutement de psychologues cliniciens dans les cours d’appel (mention spéciale aux outre-mers). La protection fonctionnelle est aussi un sujet de préoccupation : demande d’octroi plus rapide et plus systématique de la protection fonctionnelle.
Le ministre s’est dit favorable à la réforme de la grille indiciaire afin de maintenir l’attractivité des fonctions judiciaires, à encourager la mobilité et aligner les rémunérations des magistrats judiciaires sur celles des magistrats administratifs et financiers.
Sur la criminalité organisée : c’est un risque majeur pour l’état de droit. Les événements récents nous imposent de réagir rapidement et efficacement. Les travaux de la commission d’enquête sénatoriale, le rapport Ricard, ont permis de faire des propositions. Nous allons faire des propositions. La réponse pénale doit intervenir et doit être ferme.
Sur la surpopulation carcérale : exécution des peines, crédibilité de la réponse pénale, diversifier les mesures d’incarcération. La France compte environ 80000 détenus pour 62000 places… Nous allons poursuivre la construction des 15000 places de prison annoncées.
Sur la spécificité du droit pénal des mineurs : je ne souhaite pas revenir sur ce principe, garanti par la Constitution. On réfléchit sur la possibilité de créer une CI pour les mineurs de plus de 16 ans, sur la possibilité déjà existante d’écarter l’excuse de minorité, mais toujours dans le respect de l’état de droit. Le traitement des mineurs délinquants impose aussi une réflexion sur la protection de l’enfance et les moyens qui lui sont consacrés.
En matière civile et commerciale : le 60e anniversaire de la loi de 1966 sur le droit des sociétés, les TAE, la réécriture des textes sur les MARD, la mise en œuvre de la politique de l’amiable, les travaux en droit international privé, la modernisation du droit de l’arbitrage sont autant de sujets à traiter. Ces réflexions nous permettront de poursuivre les travaux sur l’attractivité des fonctions civiles.
Conclusion du garde : « J’ai confiance en vous, je mesure l’effort de pédagogie et d’information qu’il faut faire auprès de nos concitoyens mais aussi de nos responsables publics. Il faut nous efforcer de renforcer la confiance de nos citoyens dans la justice en expliquant davantage tout ce que représente la justice dans nos démocraties, tout ce qu’elle fait au quotidien dans l’intérêt général pour convaincre que la justice est au fondement de la démocratie et de l’état de droit. Vous pouvez compter sur moi pour le rappeler sans cesse avec la fermeté nécessaire et sans langue de bois. »