Les enfants endormis, d’A. Passeron

15 décembre 2023

Le conseil lecture d’Alexandra Vaillant: Les enfants endormis, premier roman du niçois Anthony Passeron (éditions Globe), retrace la découverte du virus du SIDA à travers deux axes d’écriture et de lecture.

Le premier axe est construit comme un récit documentaire sur les découvertes médicales, le début de la pandémie, les discriminations à l’encontre des malades, la recherche d’un traitement. Le second est le récit d’une histoire familiale marquée par l’addiction à l’héroïne de Désiré, l’oncle de l’auteur, et sa contamination. Il évoque l’annonce de la maladie, son évolution et ses traductions physiques au quotidien ainsi que le combat d’une mère pour son fils, malgré de nombreux non-dits, dans un petit village de l’arrière-pays niçois à une époque où il est difficile de parler ouvertement de ces sujets.

Certains passages du roman nous renvoient à des sujets judiciaires toujours d’actualité (l’affaire dite du sang contaminé n’est en revanche pas évoquée, hormis un court passage sur le traitement des hémophiles dans les hôpitaux). L’addiction à l’héroïne est vue comme une maladie honteuse, à cacher aux yeux de la société à tout prix, alors même que la France des années 70/90 est frappée par une déferlante d’usagers issus de toutes les catégories socio-professionnelles. Si la famille de Désiré fait tout pour l’inscrire dans un parcours de soins pérennes, il est intéressant de lire sous la plume de l’auteur que la législation de l’époque lui apparaît tournée principalement vers la répression, bien qu’elle comporte déjà un volet préventif et médical.

Les discriminations dont ont été victimes les premiers malades sont bien décrites et documentées. L’auteur revient par exemple sur l’attitude des personnels soignants face à la maladie : refus de soins par certains, isolement des malades, stigmatisation des héroïnomanes et des homosexuels au début de la pandémie, puis inscription durable des unités SIDA dans le paysage hospitalier et évolution des pratiques (il rend notamment hommage au dévouement des soignants de l’unité pédiatrique de Nice qui ont suivi la fille de Désiré, née séropositive après contamination in utero).

Un roman très émouvant.