Rencontre avec la DACS : quelles réformes pour la justice civile ?
Le 24 janvier 2023, l’USM a été reçue par le directeur des affaires civiles et du sceau, Rémi DECOUT-PAOLINI, et quelques membres de son cabinet, dans le cadre de la mise en œuvre du plan d’action décliné par le garde des Sceaux le 5 janvier dernier à la suite des états généraux de la justice, sur le volet civil.
Le DACS a évoqué 4 grands projets :
La césure du procès civil et l’ARA (audience de règlement amiable)
Ces nouvelles possibilités procédurales seront facultatives, ce qui est grandement rassurant. Le DACS nous a assurés avoir bien conscience des difficultés actuelles des juridictions et de la charge de travail des collègues.
La césure :
Certains pratiquent déjà la césure, ce serait une consécration procédurale utile pour les chambres spécialisées qui y ont déjà recours (propriétés intellectuelles, brevets).
L’idée est de promouvoir le règlement amiable des différends en procédant à une césure, un séquençage de l’affaire : à la demande des parties, et s’il l’estime opportun, le juge pourrait ordonner une clôture partielle sur un ou plusieurs points du dossier afin de faire trancher certaines prétentions avant le reste du dossier. En tranchant une question de principe, une question dont les autres découlent, les parties pourraient négocier les suites de la question ainsi préalablement tranchée.
Seule la procédure écrite devant le TJ serait concernée.
La césure pourrait être ordonnée dès le stade de la mise en état, les parties pouvant continuer d’échanger des conclusions sur les points qui ne sont pas concernés par la clôture partielle.
L’appel de la première décision sera possible : soit dès la décision, soit après un délai de quelques mois pour inciter les parties à l’accepter et à en négocier les conséquences, soit après décision sur le tout à la fin de la procédure de première instance. A ce stade, rien n’est tranché.
Pas d’exécution provisoire de droit.
Nous avons indiqué que cette possibilité procédurale offerte notamment au JME nous paraît intéressante mais avons exprimé nos craintes qu’elle ne reste lettre morte compte tenu de l’absence de mise en état intellectuelle faute de temps pour les JME de s’y consacrer comme il se devrait et d’utiliser les outils déjà à leur disposition. Nous avons évoqué le risque que le jugement partiel ne vienne enfermer la solution qui sera prise sur le tout si la négociation ne permet pas un désistement sur les points toujours en discussion, et plus encore en cas d’appel.
L’ARA (sur le modèle québécois)
L’audience visant à concilier les parties serait présidée par un autre juge que celui qui l’ordonne, à la demande des parties. Ce juge pourrait être un magistrat honoraire ou un magistrat à titre temporaire. Les dispositions sur la conciliation seraient applicables. Un procès-verbal valant titre exécutoire serait rédigé en cas de succès.
C’est un outil pour le juge, pas une contrainte. Une formation des magistrats aux techniques de médiation doit être proposée, y compris dès l’ENM.
Dès lors que cette procédure reste facultative, nous n’avons pas exprimé d’opposition de principe mais avons fait part des plus grandes réserves quant à la mise en œuvre pratique de cette ARA alors que le temps d’audience, et même d’échanges verbaux informels, a quasiment disparu de nos pratiques actuelles (mise en état électronique, procédure sans audience, dépôt des dossiers, disparition de l’ONC dans la procédure de divorce, échec des tentatives de conciliation obligatoire dans divers contentieux…)
Nous avons souligné que pour concilier les parties, il faut beaucoup de temps pour les écouter, donc des effectifs considérables si on veut une telle procédure de luxe ! Nous avons rappelé que l’échec des tentatives de développement des MARD n’est pas dû à un manque de volonté des magistrats mais bien à un manque de temps.
Le « desserrement » des délais Magendie :
A travailler en parallèle de la structuration des écritures. Un groupe de travail a été constitué avec la CNPP, le CNB, la Cour de cassation, des universitaires (Soraya Amrani Mekki). Il faut maintenant transformer les propositions du groupe de travail en réforme avec les questions suivantes : Jusqu’où autoriser le desserrement ? Quelle sanction en cas de non-respect des délais ainsi desserrés ? Un travail de clarification des textes est nécessaire.
Parallèlement, un groupe de travail au sein de la Cour de cassation, présidé par Chantal Arens, a réfléchi à la structuration des écritures. Ses conclusions seront présentées le 30 janvier, suivies d’une consultation en mars.
Les avocats espéraient le retrait des décrets Magendie. La DACS parle de « desserrement », sous forme de compromis avec les attentes des magistrats, qui craignent un virage à 180°. Il est difficile pour nous de prendre position sans savoir ce qui sera proposé, mais il est évident qu’en l’absence de sanction en cas de non-respect des délais, cela reviendrait à une suppression de tout délai contraint. Nous y serons attentifs et tenterons également de faire entendre nos propositions sur la structuration des écritures. Un chantier sensible…
La refonte du CPC sur les MARD devenu illisible : prévue après l’été.
Un décret « piñata » : comprenez « fourre-tout », portant des petites modifications procédurales visant à améliorer les procédures civiles.
Nous en avons profité pour souligner qu’il serait utile que les textes sur la procédure applicable en matière de révision des mesures provisoires dans le divorce (écrite ou orale) soit précisée.
Nous avons aussi suggéré d’ouvrir une FAQ qui permette aux collègues de poser des questions d’interprétation de certains textes.
Enfin, nous avons déploré l’absence d’outils numériques performants, l’absence de formation des collègues (et auditeurs) au traitement de texte, l’absence d’une base de trames mises à jour par la DACS, autant d’outils qui pourraient simplifier le quotidien des civilistes.
Le DACS nous a assurés qu’en tout état de cause, ce travail serait engagé en étroite collaboration avec les juridictions et les organisations syndicales et professionnelles, et qu’il serait accompagné des moyens humains, matériels, dans le souci constant d’améliorer la chaîne civile.