Réforme des voies d’accès à l’ENM

20 mars 2024

Lors du conseil d’administration de l’ENM qui s’est tenu le 18 mars, plusieurs sujets ont été débattus, notamment :

  • le bilan des classes préparatoires 2023 qui est très bon avec 6 classes et un taux de réussite jamais égalé jusqu’alors avec 118 places ouvertes pour l’année à venir.
  • le bilan des concours : pour les 3 premiers concours, il est noté une baisse questionnante des candidatures avec 85 % de femmes, un âge moyen du 1er concours de 23 ans, de 31 ans pour les 2 autres concours et un niveau d’études bien souvent élevé, en tout cas supérieur aux prérequis avec un passage par des prépas privées. Et pourtant, le niveau baisse… Quant au concours complémentaire, il reste attractif malgré un taux de désistement important, 75 % de femmes en moyenne de 42 ans, de niveau d’étude élevé essentiellement d’origine parisienne.
  • mais le sujet principal fut la présentation des projets de textes d’application de la loi organique par le DSJ.

En effet, l’article 1er de la loi organique du 20 novembre 2023 relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire (voir ici notre synthèse) a rénové les voies d’accès à la magistrature afin de les simplifier, de renforcer l’attractivité du corps judiciaire, d’accueillir et de valoriser des professionnels aux parcours diversifiés. Cette réforme se traduit notamment par la suppression de la plupart des voies d’intégration directe et l’identification de deux statuts conduisant à deux parcours de formation distincts :

    • les auditeurs de justice, issus des 3 premiers concours, qui bénéficieront d’une formation longue (31 mois),
    • les stagiaires, issus du concours professionnel, qui suivront une formation courte (12 mois).

 

Les trois concours donnant accès à l’auditorat de justice sont ainsi maintenus. Le premier, destiné aux étudiants, et le deuxième, ouvert aux fonctionnaires, sont inchangés pour l’essentiel. Le troisième concours,ouvert aux professionnels en reconversion, connait en revanche des évolutions. La durée d’expérience professionnelle requise est réduite à quatre ans, contre huit actuellement, et les titulaires d’un doctorat en droit qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat, un autre diplôme d’études supérieures, pourront présenter ce concours sans justifier d’une expérience professionnelle particulièrement qualifiante. Ce troisième concours vise notamment les juristes-assistants qui candidataient bien souvent à l’intégration directe sur le fondement de l’article 18-1 de l’ordonnance statutaire.

Les stagiaires seront recrutés par la voie d’un concours professionnel destiné aux professionnels en reconversion justifiant d’une expérience professionnelle particulièrement qualifiante d’au moins sept années pour les fonctions du second grade et d’au moins quinze années pour les fonctions du premier grade. Des durées d’expérience professionnelle réduite sont prévues pour les professionnels ayant une activité proche de la sphère judiciaire (juristes assistants, directeurs de greffe, avocats, magistrats exerçant à titre temporaire) mais également pour les titulaires d’un doctorat en droit, qui possèdent, outre les diplômes requis pour le doctorat un autre diplôme d’études supérieures, ayant exercé des fonctions d’enseignement ou de recherche dans un domaine juridique dans un établissement public d’enseignement supérieur.

En conséquence, les concours complémentaires seront supprimés, tout comme les recrutements sur titre (articles 18-1, 22 et 23 qui étaient les principaux fondements des demandes de recrutement sur titre). La mise en œuvre de cette réforme nécessite la modification ou l’adoption de onze textes de différents niveaux : décret en Conseil d’État, décret simple, arrêté interministériel, arrêté ministériel après avis du conseil d’administration de l’ENM et arrêté ministériel.

La DSJ a donc élaboré les projets de textes réglementaires visant à tirer les conséquences de cette réforme en fixant notamment l’organisation des concours, le programme et la nature des épreuves, la composition des jurys. En substance, il faut alors retenir les points suivants :

    • un 3e concours réformé avec des épreuves modifiées (pour l’admissibilité : une note de synthèse, un cas pratique, des questions courtes et pour l’admission un entretien avec le jury) ;
    • un concours professionnel avec une formation réduite de 12 mois pour les futurs stagiaires sur les fonctions non spécialisées (3 mois à l’ENM et 7 mois de stage). Les épreuves prévues seront : une épreuve unique pour l’admissibilité avec une note de synthèse et une épreuve unique pour l’admission avec un entretien de 50 minutes avec le jury se décomposant en un exposé de 10 minutes portant sur un cas pratique (matière au choix du candidat : droit civil et procédure civile ou droit pénal et procédure pénale) suivie d’une interrogation orale de 10 minutes portant sur la matière objet du cas pratique et enfin une conversation de 30 minutes portant sur le parcours du candidat, sa motivation, ses réalisations, des mises en situation individuelles et des questions sur l’organisation judiciaire, le statut et la déontologie du magistrat. Cet entretien devra également permettre d’apprécier les compétences managériales des candidats au premier grade. Le jury tant de recrutement que d’aptitude sera composé de magistrats, mais minoritaires, et les membres du jury seront nommés par arrêté du garde des Sceaux. A noter qu’il n’est pas prévu de classement de sortie des stagiaires déclarés aptes mais il y aura bien une évaluation, tout au long de la formation, de cette aptitude.

 

Un débat s’est alors engagé sur la nécessité de maintenir un haut niveau des candidats, notamment ceux qui passeraient par cette voie nouvelle du concours professionnel effectif en mars 2025. Pour ce faire, le conseil d’administration a proposé d’allonger à 1h cet entretien d’admission en suggérant que les 10 mn supplémentaires soient focalisées sur le cas pratique juridique. Le DSJ a indiqué prendre bonne note de cette proposition mais a maintenu la suppression du classement de sortie pour cette voie professionnelle en la justifiant par un profil différent des stagiaires, leurs expériences antérieures et du fait que le garde des Sceaux adressera au stagiaire une proposition de poste tenant compte des recommandations et réserves du jury, des emplois vacants, de l’intérêt du service au sein de la juridiction d’affection et des intérêts familiaux et personnels du stagiaire. Enfin, le régime de la scolarité, l’adaptation des périodes de stages et d’études à la formation d’origine et à l’expérience professionnelle antérieure ainsi que les conditions d’évaluation des auditeurs de justice et des stagiaires du concours professionnel seront fixés par le règlement intérieur.

Retrouvez en cliquant sur ce lien l’intégralité des propositions faites par l’USM dans le cadre de l’examen des textes d’application de la loi organique.

La direction de l’ENM a enfin indiqué que le 8 mai prochain, le site archipel sera opérationnel pour accueillir la nouvelle promotion et que les 26 ETP ont été recrutés. En termes budgétaires, le fonds de roulement est en diminution et représente 1,4 mois de fonctionnement, compte-tenu des charges nouvelles générées par les deux nouveaux sites (à Bordeaux et à Paris) et les recrutements nouveaux. Le DSJ s’est néanmoins voulu rassurant sur le fait que le rabot budgétaire n’impacterait pas l’ENM.

Les prochains CA de l’ENM auront lieu le 10 juin à Bordeaux et le 22 novembre 2024 à Paris. Pour rappel, l’USM siège activement dans ce conseil d’administration mais n’a pas voix délibérative. Retrouvez ici la liste de toutes les instances nationales au sein desquelles l’USM intervient.