Quel avenir pour le corps judiciaire ?
L’USM a formulé des observations sur les projets de textes d’application de la loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire et de la loi d’orientation et de programmation pour la Justice du 20 novembre 2023.
Pour rappel, vous trouverez nos premières observations publiées lors de l’examen des projets de loi ainsi que les lignes rouges de notre syndicat : ici sur la loi organique et ici sur la LOPJ.
L’USM reste attentive et vigilante quant aux rédactions proposées de ces textes d’application qui dessineront pour les prochaines décennies la physionomie du corps judiciaire :
- Sur les projets de décrets et d’arrêtés de la loi organique concernant le recrutement et la composition des jurys de concours :
Pour le futur troisième concours (auditeurs de justice), nous avons rappelé être favorables à l’épreuve de la note de synthèse proposée pour l’admissibilité. Il nous semble cependant également essentiel de vérifier les connaissances juridiques minimales attendues d’un candidat, l’Ecole nationale de la magistrature étant une école d’application.
Pour le futur concours professionnel (stagiaires), il nous apparaît également indispensable que ce concours comporte des épreuves d’admissibilité et d’admission de nature juridique dans les matières civiles et pénales, permettant de vérifier les connaissances juridiques minimales attendues d’un candidat.
En outre, les épreuves proposées en l’état ne répondent pas aux réserves d’interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2023-856 DC du 16 novembre 2023. En effet :
- les textes d’application doivent prévoir des épreuves (au pluriel) de nature à permettre de vérifier les connaissances juridiques des intéressés ; il s’agit de vérifier les connaissances de fond des candidats et non pas simplement leur capacité de synthèse et leur motivation ;
- aucune épreuve n’est ainsi prévue pour vérifier les connaissances juridiques des candidats, le cas pratique proposé pour l’épreuve d’admission ayant pour but d’apprécier l’aptitude à juger selon la rédaction proposée ;
- pour le recrutement au deuxième grade, le pouvoir réglementaire doit veiller à ce que soient strictement appréciées, outre la compétence juridique des intéressés, leur aptitude à juger, afin de garantir, au second degré de juridiction, la qualité des décisions rendues, l’égalité devant la justice et le bon fonctionnement du service public de la justice, ce que ne permet pas de manière substantielle la rédaction proposée.
Sur le jury de recrutement du concours professionnel, l’USM est opposée à la composition proposée du jury au sein duquel les magistrats judiciaires sont ultra minoritaires, et ce, alors même que les épreuves du concours professionnel sont moins exigeantes que celles des autres concours. Nous sollicitons un jury composé a minima par une moitié de magistrats judiciaires, étant rappelé que l’actuelle commission d’avancement est composée uniquement de magistrats judiciaires.
Sur le choix du premier poste des stagiaires, il est envisagé que le garde des Sceaux leur adresse « une proposition de poste qui tient compte des recommandations et réserves du jury, des emplois vacants, de l’intérêt du service au sein de la juridiction d’affectation ainsi que, dans la mesure du possible, des intérêts familiaux et personnels dont les stagiaires font état ». L’USM est fermement opposée à cette rédaction qui fait fi de tout classement et constitue une rupture d’égalité choquante avec les auditeurs de justice. Le choix effectué dans le cadre de la loi organique de remplacer l’intégration directe dans le corps judiciaire par un concours professionnel impose au contraire de prévoir un classement de sortie. A défaut d’une modification en ce sens, les postes les plus difficiles à pourvoir ou situés dans des zones lointaines (comme l’outre-mer) ou peu attractives seraient imposés aux seuls auditeurs issus des 1er, 2e et 3e concours.
Vous trouverez ici notre note sur les textes d’application de la loi organique.
- Sur le projet de décret relatif à l’expérimentation du tribunal des affaires économiques prévue à l’article 26 de la loi d’orientation et de programmation du 20 novembre 2023
Ce projet s’inscrit dans le cadre d’une expérimentation présentant un risque important d’étiolement de la compétence économique et financière des magistrats professionnels, à rebours des conclusions du rapport Sauvé publié à la suite des Etats généraux de la Justice, qui préconisait de créer une « filière de juges civilistes économiques ».
Après avoir rappelé nos plus vives réserves quant à l’expérimentation proposée, nous avons formulé les observations suivantes que vous retrouverez dans la note technique publiée ici.
L’USM ne manquera pas de vous tenir informés de la poursuite du processus légistique et continuera à défendre fermement ses positions.